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8 avril 2014

Contrefaçon et internet : clarification des compétences

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L’arrêt de la Cour de cassation rendu le 22 janvier 2014 s’intéresse à la question de la juridiction territorialement compétente en cas de violation des droits patrimoniaux d’auteur en ligne.

En l’espèce, un auteur compositeur et interprète a fait assigner, devant les juridictions françaises, une société autrichienne qui reproduisait sans autorisation ses œuvres musicales sur des CD ensuite commercialisés sur internet par deux sociétés de droit anglais. L’arrêt d’appel avait donné raison à la société défenderesse qui contestait la compétence des juridictions françaises au profit des juridictions autrichiennes.

Les juges de la Cour Suprême décident à leur tour que l’accessibilité dans le ressort de la juridiction saisie d’un site internet commercialisant le CD argué de contrefaçon est de nature à justifier la compétence de cette juridiction. Ils justifient cette attribution de compétence en précisant que l’accessibilité est considérée comme lieu de la matérialisation du dommage allégué.

L’enjeu de la détermination de la juridiction compétente peut se révéler essentiel pour l’issue d’un procès, tant la protection des créations immatérielles par les différentes législations au sein même de l’Europe peut varier.

Cette décision n’est pas particulièrement innovante. Elle suit plusieurs décisions, de la Cour de cassation comme de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Dès 1976, la Cour de Justice des Communautés Européennes avait précisé que le lieu du « fait dommageable » tel que mentionné à l’article 5 § 3 du Règlement du 22 décembre 2000 couvrait le lieu de l’évènement causal mais aussi le lieu de survenance du dommage (CJCE, 30 nov. 1976, aff. C 21/76). En 2013, la Cour de Justice saisie sur question préjudicielle avait adoptée la même approche que la Cour de cassation (CJCE, 3 octobre 2013).

Cependant, la décision commentée est aussi importante car elle tend à étendre, sans nuance ni condition, la compétence des juridictions françaises en présence d’acte de contrefaçon sur internet.

Revenons au Règlement du 22 décembre 2000. Ce texte est à première vue très pratique d’un point de vue procédural car il prévoit une cascade de compétence, assurant a fortiori qu’une juridiction sera toujours à même de se saisir d’un litige. Le principe général est prévu en son article 2 et consacre la compétence générale de la juridiction du domicile du défendeur.

Cependant, l’article 5 § 3 du règlement du 22 décembre 2000 laissait subsister un doute car il prévoit une règle de compétence très large en matière délictuelle. Aux termes de ce texte, est compétent, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

La question était alors de savoir quelle juridiction était compétente lorsque l’acte même de contrefaçon, ici la copie illicite de CD, avait eu lieu dans un autre pays que la commercialisation des produits contrefaisants. En d’autres termes, le lieu où le fait dommageable se produit ou risque de se produire lorsqu’il s’agit de vente internationale de produit contrefaisant sur internet ? Selon la Cour, la théorie de l’accessibilité détermine le lieu depuis lequel la contrefaçon est disponible lequel est, de manière générale, le lieu de survenance du fait dommageable.
La réponse donnée par la Cour de cassation est peut-être très abstraite. Mais, elle permet de lutter plus efficacement contre ces atteintes prolifiques, sans chercher à déterminer si le public est effectivement visé. La question de l’étendue du dommage causé, territorialement limitée à l’Etat membre de la juridiction saisie, sera elle jugée à Bordeaux par la Cour de renvoi.