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28 février 2017

Affaire Christian Lacroix : dépôt de mauvaise foi et absence de renommée de la marque verbale

En vertu des dispositions de l’article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle, peuvent constituer une marque verbale les dénominations sous toutes leurs formes telles que les mots, les assemblages de mots, les noms patronymiques et géographiques, les pseudonymes, les lettres, les chiffres et les sigles. Aux termes d’un arrêt récent, la Cour de cassation a retracé les contours de la protection des marques verbales en ce qui concerne leur dépôt, leur exploitation et leurs modalités de cession (Cass. Com., 8 fév. 2017 – 14-28232).

En l’espèce, la société Christian X, avec laquelle Monsieur X a collaboré en qualité de créateur et directeur artistique, est constituée le 7 septembre 2009. Cette société est titulaire depuis le 23 février 1987 de la marque verbale française « Christian Lacroix » désignant en classes 3, 9, 14, 18, 24 et 25, et plus spécifiquement les tissus et produits textiles.
Au mois de février 2011, celle-ci découvre que la société Sicis SRL avait conçu une collection de meubles sous la dénomination « Designed by Mr Christian X », dont la commercialisation et la distribution en France étaient assurées par la société Sicis France.
Le 1er juin 2011, la société Christian Lacroix dépose la marque verbale communautaire « Christian Lacroix » et assigne les sociétés Sicis en contrefaçon. M. X. qui avait conclu un accord de partenariat avec les sociétés Sicis, est intervenu volontairement à l’instance et a soulevé la nullité des marques communautaires.
Aux termes de cette décision, la Cour de cassation rappelle les éléments caractérisant un dépôt de mauvaise foi ainsi que ceux permettant d’apprécier la renommée d’une marque.

1. Sur la caractérisation du dépôt de marque de mauvaise foi : la Cour de cassation énonce en premier lieu que « la connaissance par le demandeur de l’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ne suffit pas, à elle seule, à établir » un dépôt de mauvaise foi.
Puis dans un second temps, elle indique que la mauvaise foi de la société Christian X « doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce » au moment du dépôt de la demande d’enregistrement conformément à la jurisprudence constante.
C’est donc en tenant compte des éléments de preuve soumis à son appréciation que la Cour de Cassation a constaté que le demandeur avait fait enregistrer le signe en tant que marque communautaire sans intention de l’utiliser et que le dépôt n’avait pas pour but la distinction de produits en identifiants leur origine, fonction essentielle de la marque, mais avait uniquement pour objectif d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché.
Ce faisant, la Haute juridiction a estimé que la société Christian X détournait la finalité du droit des marques dont l’objectif est de distinguer les produits et services d’une société par l’exploitation d’un signe distinctif.

2. Sur l’appréciation de la renommée de la marque Christian Lacroix : si la protection conférée à une marque jouissant d’une renommée permet une protection étendue (Art 713-5 CPI), la Cour de cassation précise que cet apanage doit néanmoins s’apprécier à la date d’exploitation du signe litigieux et prendre en compte les éléments et conditions antérieurs à son exploitation.
En l’espèce, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel ayant écarté la renommée de la marque Christian Lacroix sur le territoire français en 2011. Pour ce faire, la Haute juridiction s’est référée à un ensemble d’indices précis lui permettant d’apprécier l’absence de renommée du signe en cause. Ainsi, la baisse sensible du chiffre d’affaire de la société Christian Lacroix depuis le départ du créateur éponyme, l’arrêt consécutif de l’activité de haute couture, ainsi que la réorientation de son activité vers l’exploitation des licences de marques désignant des accessoires ou de la lingerie commercialisés à l’étranger n’étaient pas de nature à démontrer la renommée de la marque Christian Lacroix en France.