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8 mars 2019

Les injures racistes ou homophobes ne relèvent pas de la libre critique participant d’un débat général

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Cour de cassation, chambre criminelle, 19 Février 2019, n° 18-82.745

Dans un arrêt du 19 février 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le polémiste Alain Soral contre l’arrêt du 14 mars 2018 de la cour d’appel de Paris qui l’avait condamné pour diffamation publique et injure publique visant une personne à raison de son origine et de son orientation sexuelle.

Cette affaire a permis à la Cour de rappeler que des injures visant une personne en raison de son origine ou de son orientation sexuelle ne relèvent pas de la libre critique, participant d’un débat d’intérêt général et que l’excuse de bonne foi ne s’applique pas en matière d’injures à raison de l’origine ou de l’orientation sexuelle.

En juin 2013, un article intitulé « Pierre Bergé, un Georges Soros à la française » a été mis en ligne sur le site internet d’Alain Soral. Pierre Bergé, aux droits duquel est venu M. Madison Cox, a alors porté plainte et s’est constitué partie civile pour les propos tenus dans cette publication et les commentaires subséquents.

Alain Soral était poursuivi pour diffamation publique envers un particulier notamment pour les propos suivants : « Quelques mois avant la mort d’YSL, Bergé, son amant-maquereau, s’est pacsé avec lui pour en devenir l’héritier… Ne l’aurait-il pas un peu aidé à passer l’arme à gauche ? Juste un tout petit peu ? … En augmentant certaine dose de produit illicite ? » mais également pour injure publique envers un particulier, et notamment pour des propos injurieux évoquant son orientation sexuelle et son origine.

Pour sa défense, Alain Soral soutenait pouvoir bénéficier de l’excuse de bonne foi car ses propos s’inscrivaient, selon lui, dans un débat d’intérêt général et reposaient sur une base factuelle suffisante.

L’exception de vérité est le seul fait justificatif prévu par la loi de 1881 mais la jurisprudence en a élaboré un second, en admettant que l’auteur des propos puisse les justifier en démontrant sa bonne foi c’est-à-dire, que sa « démarche répond à un intérêt légitime, qu’elle n’est pas accompagnée d’une animosité personnelle, qu’une enquête a été effectuée et que le propos est exprimé de façon mesurée » (CA Paris, 11ème ch., 10 février 1999).

En l’espèce, la cour d’appel a donc rejeté l’excuse de bonne foi car le prévenu n’apportait « aucun élément qui puisse justifier l’affirmation selon laquelle la partie civile initiale aurait favorisé le décès d’Yves Saint-Laurent » et a retenu que l’excuse de bonne foi ne s’appliquait pas en matière d’injures à raison de l’origine ou de l’orientation sexuelle.

La Cour de cassation, dans cet arrêt du 19 février 2019, rejette donc le pourvoi d’Alain Soral, estimant que la cour d’appel a justifié sa décision. De manière classique, les juges se livrent ici au contrôle de proportionnalité imposé par la Cour européenne des droits de l’Homme en vertu de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.